Chers lecteurs, comme disait l’autre à une poignée d’amis triés sur le volet : je vous ai compris ! J’entame donc une puissante et rapide remontée du temps, qui vous amènera bientôt juste de l’autre côté de l’Atlantique, par rapport à votre lieu d’habitation et d’imposition actuel. Mais moi, il me faut du temps pour digérer – les mauvaises langues dont vous n’êtes certainement pas diront : comprendre – l’incroyable diversité des situations dans laquelle ce périple nous plonge.
Ravis d’avoir constaté qu’après la grande claque de notre voyage au dessus de quatre mille, il y avait encore une vie – et laquelle ! – nous quittons Purmamarca, le village lové tout contre la montagne aux sept couleurs et près duquel nous avons passé un bref séjour fort calme.
Direction Salta, la grande ville du coin où nous ne passerons que la nuit du 24 octobre 2009. Vantée dans les guides, nous la trouvons plutôt quelconque … Mais si nous ne tombons pas sous le charme, le lieu vaut tout de même le détour pour la visite au MAAM (Museo Archeologia de Alta Montagna). Nous avons eu de mal à décider avec Valérie si nous devions emmener tous les enfants, ce que nous avons finalement fait, mais jugez plutôt.

En 1999 en effet, une expédition archéologique ramenait du sommet du volcan andin Llullaillaco, situé à 6739 mètres d’altitude, trois corps d’enfants momifiés. Ils n’y étaient pas morts de mort naturelle, mais avaient été sacrifiés par les Incas il y a cinq ou six cent années – le protocole sacrificiel étant fort intéressant : les enfants étaient littéralement soulés à la Chicha, une sorte de bière de maïs, puis une fois en était d’ébriété cosmique – ou coma éthylique, c’est vous qui voyez – ils étaient amenés au sommet et mourraient d’éthylisme et de froid. Ceux qui vanteront l’extraordinaire modernité des Incas, qui par ailleurs comme d’autres interdisaient la propriété privée, peuvent toujours m’envoyer un mail, j’ai des détails ! Pour revenir à la Doncella – quinze ans environ au moment des faits – et ses deux compagnons d’infortune – cinq à sept ans -, la pureté de l’air (pas de bactéries à cette altitude) et le froid ont permis une exceptionnelle conservation des corps et des habits, et le fait de se retrouver nez à nez – séparés quand même par l’épais verre de la chambre cryogénique – avec un être humain datant d’une période aussi éloignée est absolument saisissant. Je n’ai pas pu ramener de photo (interdit) de la scène, mais Chloé nous a sorti de ses petites frisettes un dessin qui exprime incroyablement bien ce que nous avons vu…l’expérience a été marquante pour tout le monde !
Très pittoresque aussi, nous ramenons de Salta un gentillet dérangement gastrique dû à l’hygiène médiocre du restaurant où nous mangeons le soir même … quand vous lisez dans un guide que le rapport qualité-prix de la parilla est exceptionnel, lisez parallèlement que c’est peut-être aussi le cas du nettoyage de la cuisine, des abats que vous dégusterez, ou de je ne sais quoi d’autre qui partira promptement à l’assaut de votre petit estomac élevé dans l’innocence de nos nourritures fraiches et plastifiées.
Pas de regrets donc, nous reprenons donc la route dès le lendemain matin en direction des Vallees Calchaquies, qui nous mèneront à Cafayate, une région qui produit en altitude un des meilleurs vins blancs d’Argentine. En chemin, nous nous arrêtons à un des nombreux horno de barro – fours à bois argentins – qui préparent, alignés le long de la route comme autant d’incitations à la débauche gastronomique, de fabuleux empanadas – de petits chaussons fourrés généralement au poulet, à la viande ou au fromage, mais souvent à tout un tas de choses aussi indescriptibles et mélangées que succulentes.
A ce sujet, idée numéro 87 : en rentrant en France – si je rentre … chut, ma femme approche 🙂 – , je fabrique et je vends des empanadas. J’ai déjà en tête une petite idée d’ » empanadas de chez nous « , fourré au magret et aux pignons qui n’existe pour l’instant que dans mon gigantesque cerveau mais qui fait déjà saliver mon tout petit ventre. Tout commentaire au sujet d’une inversion d’adjectif sera censuré.
Pour l’heure, repus, nous quittons l’asphalte pour une piste d’assez médiocre qualité qui va nous permettre d’entrer dans nos fameuses Vallees Calchaquies (du nom de Calchtrucmuche, qui fût paraît-il, il y a un bail, le patron de la zone). Et disons que, si le Nord-Ouest Argentin est connu pour la beauté et la diversité de ses paysages, cette piste de 200 kilomètres y est certainement pour beaucoup : une belle ascension qui vous fait reprendre rapidement quelques centaines de mètres de dénivelés, au terme de laquelle nous ne résistons pas à nous faire une petite séance de photos en apesanteur (et le bandeau de ce site avec l’entrelac de pistes vient de là) puis nous arrivons sur un plateau, qui nous mène aux vallées. Le trajet nous offre successivement un désert de cactus – le Parque Nacional de Los Cardones, dans lequel vous roulez entre autres en ligne droite de quatorze kilomètres, portion connue paraît-il dans tout le pays sous le nom de Recta Tin Tin -, une piste qui épouse le fond asséché de la vallée, des villages perdus – pas tant que ça quand même puisque au pied de l’Eglise de Molinos (accès à Molinos par le nord : 100 kilomètres de piste – accès à Molinos par le sud : 100 kilomètres de piste) où j’arrive à trouver un spot wifi -, une alternance de paysage d’oasis (la région est globalement désertique) et de canyons, avec en point d’orgue la courte mais spectaculaire Quebrada de Las Flechas, des formations rocheuses littéralement hérissées vers le ciel, assez impressionnantes quand votre modeste véhicule passe entre deux rangées …
On a tellement adoré qu’on a mis trois jours pour faire tout le trajet ! Ici, pas de -25 degrés pour vous faire hâter le pas, seulement une trentaine de degrés bien secs au thermomètre et cette éternelle poussière qui s’infiltre partout et tout le temps …
Un mot quand même au sujet de Cachi, le premier village du parcours nord-sud, tout d’abord très calme et très joli et surtout qui produit un petit vin blanc remarquable, extrêmement sec, que vous achetez à la petite cave sur la place principale pour une poignée de pesos. On en aurait bien ramené un peu plus, mais on a pris parait-il la dernière bouteille du stock ! Et puis aussi, au sujet de la piste elle-même : c’est quand même une route nationale ! Et pas n’importe laquelle : la fameuse ruta 40, qui traverse sur le flanc est de la cordillère des Andes l’Argentine sur toute sa longueur, du sud vers le nord. Pour vous donner une idée de l’immensité du pays et donc de la longueur de la ruta 40, regardez un peu la borne kilométrique sur la photo (à côté nous avons passé notre deuxième bivouac) !
Normalement, nous retrouverons d’ici un peu moins de deux mois la ruta 40, près de la Terre de feu la borne kilométrique devrait indiquer des nombres sensiblement plus petits … Pour le reste, j’espère que les photos vous donneront envie d’en voir encore plus … même en se baladant sensiblement plus bas dans l’atmosphère terrestre, je me dis qu’on a bien de la chance que notre pare-brise continue d’accrocher des paysages aussi somptueux … Non ? Toujours est il que, au bout de ce trajet vraiment cahoteux, nous ne sommes pas mécontents de retrouver civilisation et asphalte. C’est chose faite lorsque nous atteignons Cafayate, dont j’ai parlé plus haut … Mais une chaleur accablante nous y attend, et une fois fait le plein de l’excellent vin du coin – et réellement atypique car très sec quand il est réussi, car il faut tout de même que la bodega à laquelle vous vous en remettiez cultive ses vignes en altitude, et qu’elle le fasse bien … l’étiquette ici comme ailleurs ne mène pas toujours à la même qualité ! -, testé et re-testé le sublime sorbet au vin de Cafayate – rouge ou blanc ! – et écumé le bar à empanadas du centre, nous repartons vers le sud. Destination : la deuxième plus grande ville du pays, Cordoba.
Et vous verrez bientôt que le chemin n’a pas été si simple que nous l’aurions souhaité !
Article écrit le 4 décembre 2009, dans le garage Iveco de Comodoro Rivadavia (Patagonie). Température 15 degrés, les Baudchon-Baluchon lisent ou regardent des dessins animés, pendant que, quelques dizaines de centimètres sous le plancher, un technicien nous remonte le différentiel après en avoir changé les quatre roulements (et pour dissiper immédiatement tout malentendu, merci à Iveco car Iveco Argentina a pris la réparation en garantie, sans avoir à insister qui plus est … quand on vous dit qu’ici c’est presque le paradis !)
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PS. petit bug sur Google Maps, lorsque je fais la mise à jour de mon parcours celui-ci n’apparait pas correctement modifié dans la petite fenêtre ci-contre, sans que je sache si c’est seulement ici qu’il y a le problème ou si tout le monde est impacté. En cas de doute, vous pouvez aller directement sur la page intérieure Oukisonlébaluchon ou aller directement voir notre carte sur Google Maps.


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