Nous nous sommes quittés le 10 avril 2010, sur la marche titubante qui nous a conduits, Pascal et moi, vers nos vaisseaux familiaux respectifs – une chance que nous n’ayons pas inversé -, où d’un sommeil épais je me remettais des toutes mes émotions récentes : la belle claque de nos premiers pas en Colombie, la beauté saisissante de Popayan la ville blanche et la beauté intimiste de Salento, et évidemment nos premières rencontres avec les habitants.
Et justement, si au terme des quatre semaines que nous avons passées en Colombie, j’ai été vraiment conquis par ce pays, aux paysages sublimes répartis sur un territoire grand comme presque deux fois celui de la France (pour environ 45 millions d’habitants), dont certaines villes sont parmi les plus belles que nous ayons vues pendant notre périple, et surtout dont les habitants égalent le record d’hospitalité et de gentillesse des argentins, je voudrais surtout vous faire part de quelques images qui me reviennent au sujet des colombiens – dont, au passage, une des qualités de taille, pour moi et peut-être pour vous, est de parler, de loin, l’espagnol le plus compréhensible du continent.
D’abord à Salento, sur la place principale du village où nous avons élu domicile avec les Renault, je discute avec un professeur de sport, qui utilise la place comme terrain d’entrainement pour les adolescents et pré-ados qu’il encourage vigoureusement … Tout en houspillant ses troupes qui s’activent valeureusement autour de quelques plots posés sur le bitume de la place – en partie fermée pour cette raison à la circulation – , nous parlons et il s’enflamme sur les qualités des enfants de la région pour les courses de fond : atmosphère, relief, volonté, prédispositions physiques, tout semble y être ! Il y croit dur comme fer : dans quelques années, ce sont eux qui représenteront la Colombie au plus haut niveau. Alors, en 2016 ou 2020, surveillez les épreuves de fond des JO : si vous y voyez des coureurs colombiens se distinguer, dites vous que peut-être certains d’entre eux se seront entrainés autour de notre camping-car ! Et il y aura eu au départ, un entraineur passionné par son pays, les enfants de son pays, et l’image de son pays.
Puis, au nord de Medellin, où le patron du restaurant et un ami à lui, déjà susmentionnés au début du présent article et dans le précédent, nous invitent, Pascal et moi, à partager quelques(ssss) verres(ssss) avec eux. Au cours de la discussion, outre les thèmes actuels – dont Ingrid Betancourt : simplement détestée, en tout cas partout où nous en avons parlé – il me parlent de la fondation de la Colombie, l’origine de la constitution colombienne (comme un peu partout en Amérique Latine, un mélange entre celle des Etats-Unis, et les intentions libérales de la France révolutionnaire, girondine ou jacobine selon le pays) et que pour eux – et ce, vous imaginerez la scène facilement, devant un Christian Jules Baudchon de Baluchon bouche bée – la patrie fondatrice et l’icône, la gardienne du capitalisme, c’est la France, pas les Etats-Unis ! Pourquoi croyez-vous que la discussion ait duré si longtemps ?…

Ensuite, une rencontre brève mais absolument poignante. Au soir d’une grosse journée de route, nous nous sommes garés sur un grand parking de poids-lourds, au croisement de deux importantes voies de circulation, attirée par le mélange détonnant 6 enfants à têtes blondes + 2 camping-cars, une femme s’approche de nous quatre (les quatre parents), occupés à préparer le trajet du lendemain. Nous engageons la discussion, mais passées les premières minutes de compliments sur les enfants et notre périple, nous glissons sur son terrain, son quotidien. Epouse du gérant du restaurant qui anime le parking, elle ne rentrera pas chez elle ce soir, ni son mari : ils dormiront sur place. La nuit est tombée, et circuler de nuit dans le réseau de routes secondaires et surtout près de chez eux, c’est trop dangereux. Pourquoi ? C’est le vrai fléau qui ravage la Colombie, qui touche les colombiens et non pas les touristes : des centaines de milliers de déportés (selon le Lonely Planet) qui doivent fuir leurs maisons parce qu’ils ne veulent ou ne peuvent pas prendre parti entre les groupes d’extrême-gauche (FARC et compagnie) ou les milices d’extrême-droite, toutes ayant investi massivement un trafic de drogue toujours prospère – la géographie du pays est un allié de poids pour ce type d’activités. Comme notre interlocutrice, qui évidemment a les larmes aux yeux en me racontant son calvaire – et qui n’en pouvant plus, finit par disparaitre dans la nuit -, une partie de la population rurale, est prise en étau : coopérer ou partir. Elle, avec son mari et un de ces enfants encore là, pour l’instant, tient bon et pense même que le président actuel, Alvaro Uribe, fait le maximum (c’est d’ailleurs une constante, à une exception près : tous les colombiens rencontrés nous ont dit que Uribe était un des plus grands présidents de leur histoire …) Malgré mon enthousiasme pour ce pays, cet aspect semble être malheureusement une réalité et très certainement le point le plus sombre du pays : combien d’années encore avant que tous les colombiens puissent vivre en paix ?

Enfin, plus léger, ce jeune militaire qui nous arrête à un des innombrables barrages de l’armée et de la police. Avec notre attelage, nous y avons droit très souvent, ce qui veut dire un arrêt tous les 30 kilomètres en moyenne. Après nous avoir fait stationner, son air sérieux tient environ 3 secondes, le temps de commencer à me demander les papiers puis, à peine ai-je bougé pour les récupérer, » Euh non, en fait, rien, c’était juste pour savoir … enfin … comment ça se fait ? » et il accompagne sa question d’un geste étonné en désignant le camping-car. Cinq minutes et une vigoureuse poignée de mains plus tard, nous repartons, après avoir échangé tuyaux précis sur notre route et impressions en général sur nos deux pays.
Et il y a encore beaucoup d’anecdotes comme celles-ci – je ne résiste pas à vous livrer une petit dernière : un policier, à Cartagena, auquel nous demandons notre chemin, qui après nous avoir renseignés (toujours avec la même gentillesse) m’exhibe fièrement la méthode d’apprentissage de l’anglais qu’il s’est achetée : » dans quelques mois, c’est moi qui vous parlerai en anglais ! » Quand je lui dis que je suis français, il me répond » Plus tard, alors ! » Ce n’est une attitude positive, ça ?
J’espère que les photos parleront d’elles même pour la suite de notre périple colombien. La remontée vers le nord de la côte caraïbe termine un peu avant l’heure notre périple en Amérique Latine : les plages de sable blanc, les cocotiers, les villages de pêcheurs – plusieurs fois, nous achetons notre poisson directement à la barque qui accoste sur le rivage dans le port -, et aussi, 40 degrés celsius et une humidité à trancher au couteau.

Evidemment, notre voyage ne serait pas le même si nous n’avions pas décidé de faire route commune avec les Renault (faites un tour sur leur blog, leur texte sur la Colombie est très complémentaire du nôtre : on dirait que c’est fait exprès) avec lesquels nous avons d’ores et déjà partagé quelques grands moments dont – le naturel revient vite au galop ! – cette mémorable soirée langoustes grillées au feu de bois – une grosse vingtaine à quatre, pour l’équivalent de 40 euros en tout, achetés par Pascal à un pêcheur sur un retour de footing au bord de la plage : qui dit mieux ? Nous y avons laissée notre dernière bouteille de vin blanc chilien : ça le valait bien !
Et clin d’oeil, ce 18 avril 2010, au nord de la péninsule de la Guajira, un peu le sud-lipez sur la côte caraïbéenne, nous sommes par conséquent à l’extrême-nord de l’Amérique du sud ! Ushuaïa en négatif en quelque sorte, mais 130 jours plus tard (déjà !) et avec 35° de plus au thermomètre.

Il me reste le temps, avant que vous ayez tous déserté, pour glisser une phrase, une seule, sur Cartagena, dans laquelle nous passons plusieurs jours pour préparer notre changement de continent, jusque au 25 avril 2010 : tout simplement la plus belle ville d’Amérique du sud ! Place aux images …
Pour conclure sur la Colombie : allez-y ! Le pays est très sûr pour les touristes – à condition de respecter certaines règles de conduite de base et d’avoir un peu de chance (note de Valérie : un couple d’amis s’est tout de même fait braquer sur la côte caraïbe, dans leur voiture, certes la nuit était tombée mais c’est aussi ça la Colombie et les colombiens le savent bien … je modère les propos de mon cher et tendre qui s’enthousiaste toujours aussi facilement !) comme dans toute l’Amérique Latine -, immense (nous y avons passé presque un mois et il nous a manqué au moins 3 semaines avec un bon rythme pour voir tous les endroits les plus importants), la population est adorable, détendue (les « Tranquilo » et « Mucho gusto » fusent à longueur de journée), heureuse et fière de faire découvrir son pays aux touristes qui font l’effort de venir malgré une image médiatique vraiment navrante et à des années lumières de la réalité – et les colombiens connaissent parfaitement l’état de leur image à l’étranger -, le tout en sortant quand même pas mal des sentiers battus du tourisme que nous avons fréquenté récemment au Pérou et en Equateur (sauf Cartagena, qui est déjà une destination touristique en soi).
Article écrit le 13 mai 2010 dans la banlieue de la capitale San José du Costa Rica. Le tampicar sort brillamment d’un jour et demi de révision des 50000 kilomètres. A nous le nord-ouest du Costa Rica ! Et les retrouvailles avec les Renault, dont nous nous sommes séparés pour quelques journées pour notre pause mécanique. Un ennui en vue, cependant : bientôt, je ne pourrai plus écrire, je n’aurai plus de maté. Il faut importer ce truc en France. 🙂 Sinon, pour la suite de nos proses, vous n’aurez pas à être très patients : ils sont déjà sous presse ! Revenez vite …
La cote caraïbéenne de la Colombie, avec quelques jours passés à Taganga, un village de pêcheurs :
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La péninsule de la Guajira et le village de Cabo de la Vela, la pointe la plus septentrionale de l’Amérique du sud – encore un monde à part (!) :
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Cartagena, coup de coeur :
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